31 août 2011

Chong Kneas

J’ai longtemps hésité à écrire sur le massacre de Chong Kneas. D’abord parce que la mémoire humaine étant ce qu’elle est, enfouissant toujours au plus profond les souvenirs les plus insupportables, je ne me souviens aujourd’hui que de quelques bribes de cet événement; mais aussi parce que je ne suis pas très fier de moi dans cette affaire;  jamais je n’ai été aussi impuissant, aussi inutile – voire, aussi parasite ! – qu’en ce lieu de drame. Enfin, voulant dédier ce blog au vécu humanitaire, je me demandais si j’étais toujours dans mon sujet: avec ce massacre en effet, les limites de l’humanitaire sont dépassées ; on entre dans la sphère du politique et du militaire.

Alors pourquoi finalement décider d’écrire sur ce triste événement ? Pour témoigner d’abord, mais aussi pour tâcher d’en tirer des leçons, puisque c’est aussi un des objectifs de ce blog.

Voici donc les faits, en tout cas tels que je me les remémore, et supportés par les photos que j’en ai gardées.

9 août 2011

Expatriation : leçon nº 0.01

S’il y avait bien une chose que mon staff ne supportait pas, c’est quand je m’énervais sur le matériel du bureau. Un jour l’un d'eux prit même son courage à deux mains pour m'en faire part ; «-Stéphane, tu sais, nous n’aimons vraiment pas quand tu te mets en colère comme ça… » me fit Sokal à la suite d’un de mes accès de fureur contre ces appareils qui ne veulent pas fonctionner selon leur destin. Ce que mon personnel n’osait toutefois pas me dire, c’est qu’il craignait que mes émotions ne fâchent les "esprits" du lieu, et les conséquences néfastes qu’il pourrait nous en cuire.

1 août 2011

Les sales habitudes du malheur.

La scène était tragique et banale. D’autant plus tragique qu’elle était justement banale. Et si banale qu’elle se déroula presque sans un mot, comme toutes ces interventions professionnelles d’équipe si souvent répétées qu’elles ne nécessitent plus guère d’échange de mots; la gestuelle étant si bien rodée. Quelques heures auparavant on m’avait prévenu que des soldats du KPLNF arriveraient bientôt avec un blessé dans le no man’s land, non loin du camp de Site 2. J’avais alors prévenu le CICR qui m’avait immédiatement envoyé une ambulance. Nous nous garâmes en bout de sentier, celui par lequel les hommes devaient arriver du Cambodge d’un instant à l’autre. Puis nous attendîmes en silence.