27 oct. 2012

Laissez-dire…



J’étais de retour à Bangkok, en période de soudure entre deux missions, et mon visa pour la Thaïlande expirait dans quelques jours. Il m'en fallait vite un nouveau. Comme beaucoup dans cette situation, je décidai de sortir du royaume pour quelques heures, le temps d’obtenir un nouveau visa. Le plus facile à l’époque, c’était de franchir la frontière malaisienne, dans le sud. Après une longue nuit de train, j’arrivai donc au consulat de Thaïlande de Penang, en Malaisie. J’y déposai aussitôt ma demande de visa et mon passeport, et descendis en ville me chercher une petite chambre pour la nuit. La loi thaïlandaise stipulait en effet que le consulat se devait de répondre aux demandeurs de visa dans les 24 heures. Une seule nuit à Penang suffisait donc avant de remonter sur Bangkok. Je trouvai assez vite dans le quartier chinois un petit hôtel, spartiate, mais propre et pas cher, tenu par un vieux Chinois sympathique qui baragouinait quelques mots d’anglais. Dès mon arrivée, il réclama mon passeport pour le "check-in". Que faire? Sans passeport pas d’hébergement possible, c’est la loi. Et mon passeport, je venais donc de le déposer au consulat de Thaïlande. Il me vint une idée : l'air de rien, je sortis mon passeport diplomatique onusien*, que par chance j’avais gardé sur moi, et lui tendis. Il le prit, regarda perplexe sa couverture bleu ciel inhabituelle puis, me fixant du regard avec un air admiratif me fit : « -Ah, vous êtes des Nations Unies… Hmm… un grand pays!…[puis, secouant tristement la tête ajouta] …dommage qu'il soit toujours en guerre! »
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* de son vrai nom le « Laisser-Passer de l’Organisation des Nations Unies (ONU) ».

Période Post-UNTAC, 1993

Dans la petite chambre de l'hôtel du vieux chinois
de Penang

20 oct. 2012

Expatriation : même si l’habit ne fait pas le moine…

Photo: Wat Pah Nanachat
Me voila, marchant pieds nus dans la jungle, au beau milieu de la nuit, à suivre trois bonzes qui se dirigent silencieusement vers la sortie du monastère, et je sens mon esprit se dilater, éprouvant une joie inexprimable. Nous franchissons enfin le portail et nous nous engageons sur la route en direction du prochain village, à quelques kilomètres de là. Les lueurs de l’aube laissent peu à peu percer quelques rayons rasants au travers des feuilles de palmiers. Nous traversons les rizières, évoluant dans un silence apaisant, nos pieds nus martelant le sol sans écho, et seuls les bruissements légers des toges des bonzes témoignent de notre mouvement. Le paysage devient de plus en plus féerique ; doucement la nature autour de nous se réveille. Au loin, quelques coqs nous indiquent la ferme la plus proche, les oiseaux tropicaux poussent des chants lancinants et quelques chiens aboient sans conviction. Je me sens transporté par la beauté du lieu et la sérénité de l’instant. Belle métaphore de la vie, mon extase est régulièrement interrompue par de vives douleurs, très localisées: j’étouffe mes cris avec difficulté chaque fois que mon talon se pose sur quelques graviers pointus. Mon esprit alterne donc entre la béatitude et la souffrance, mon regard hésitant entre embrasser la vue féerique, et se focaliser plus prosaïquement sur la piste et ses aspérités…