Et Dieu dans tout ça ?

La question peut paraître incongrue ; elle ne l’est pas ; La foi a en effet été un élément déterminant de mon engagement humanitaire. Plus encore, la foi, et la liberté de pensée et le courage qu’elle offre en surcroît, me furent la force qui permit de naviguer de désillusions en désillusions sans jamais perdre espoir. En définitive, de pratiquer un humanitaire réaliste et pragmatique, sans jamais sombrer dans le cynisme.

Naturellement – et certes, je le sais, c’est un argument athéiste -- la foi me fut le réconfort indispensable face a l’insupportable; quand la vue de certaines scènes donne le vertige (quand on voudrait croire que ces viandes au sol ne sont pas des corps d’enfants, que toutes ces vies broyées ne sont que mauvais rêves…)   

La foi autorise la remise en question permanente de tout : de soi, et des certitudes les plus intimes, même celles qui furent un instant les bases sur lesquelles on reposait sa vie, avant de se dérober nous laissant un instant pantois face au vide. Jusqu'à ce que l’Amour (un autre nom pour Dieu) vienne doucement nous reconstruire. Sans la foi, l’agent humanitaire est soumis aux aléas des événements et des émotions. Comment alors ne pas sombrer dans ce cynisme si commun chez les ‘humanitaires’? 

Mais la foi, tout référentiel qu’elle soit, est, elle aussi, testée, battue, écorchée, laminée dans la pratique humanitaire ; mais c’est pour en sortir plus belle, plus pure encore. Elle perd tous ses maquillages superflus pour y gagner en beauté plus naturelle. Elle s’ouvre toujours plus, elle est tolérante avec la foi ou la non-foi de l’Autre. 

La foi certes suscite l’amour – un des éléments déterminants d’une bonne pratique humanitaire – mais d’abord et surtout, elle suscite… la colère ! Une colère salvatrice, celle qui permet de ne jamais accepter l’inacceptable. Car, en définitive, c’est ça la “fibre humanitaire” : ne jamais, jamais accepter l’inacceptable. 



La foi est une chose très intime dont il est difficile de parler. Mais il m’eut été intellectuellement malhonnête de relater mon expérience humanitaire sans parler d'elle. Elle me fut en effet un guide sans égal quand, en tant que “responsable humanitaire”, il me fallait parfois prendre les décisions difficiles.  

La foi et Dieu méritaient donc bien qu’une page leur soit réservée dans ce petit blog. Que le lecteur se rassure toutefois, il n’y a ici nulle velléité de prosélytisme. Juste un désir d’être honnête, c’est tout.

[a suivre]



6 commentaires:

  1. l'énigme du mal ou le tremblement de Jupiter: très bon livre!
    http://www.amazon.fr/L%C3%A9nigme-tremblement-Jupiter-Paul-Clavier/dp/2220062635/ref=sr_1_4?ie=UTF8&qid=1321452405&sr=8-4

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  2. Marc,
    Merci de cette référence. J'ai été jeter un coup d’œil sur le Net, et c'est un ouvrage qui semble en effet très intéressant.
    Bien cordialement
    Stéphane

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  3. Dieu est partout dans mon travail, mais comme j'évolue comme intervenant humanitaire neutre, impartial, confidentiel et indépendant au sein des guerres, conflits et de la violence armée, ma foi reste omniprésente et intégrée au plus profond de mon quotidien et de mes relations avec mes collègues, mes programmes et les victimes, sans toutefois jamais être verbalisée ou mentionnée. Un exercice subtil d'humilité et de discrétion qui fait que, sans même en parler, l'amour de Dieu est ressenti dans mes contacts et que mes frères et sœurs de toute religions confondues, le ressentent. Dieu parle aussi la langue des signes. Hervé, Médecin Humanitaire depuis 25 ans à travers l'Asie, l'Europe, l'Afrique et l'Amerique Latine.

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    1. Merci beaucoup de ce témoignage, Hervé, qui me touche d'autant plus que lorsque je t'ai connu (je t'ai reconnu Hervé!), je ne pense pas que la foi avait cette importance dans ta vie. Je suis heureux que, comme tu le dis, discrètement, nous puissions témoigner de cet Amour qui nous dépasse...
      Amitiés, vieux frangin!
      Stéphane

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  4. Je découvre avec bonheur ton blog qui déjà me parle. Bravo pour ton honnêteté et ton courage de dire ce qui t'anime. Dans ce métier comme dans la société française, c'est suffisamment rare pour être souligné.
    Nous avons, je crois, pas mal de questionnements communs, comme tu le verras peut-être si tu visites mon propre blog: http://www.bourgoing.com/category/flashbacks/ Amitiés sans frontières

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    1. Merci Robert (je vois tout juste ton commentaire sympa).

      Sympa de garder ce lien et de continuer à mieux nous connaitre depuis notre rencontre, il y a bien 10 ans au Fonds Mondial à Genève. Je vais visiter ton blog à mon tour...
      Amitiés
      Stéphane

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