5 mars 2011

Un petit encas chez les Incas.

Nous étions alors au Pérou, une quinzaine de camarades Bioforce et moi, pour une campagne de vaccination contre la rage qui sévissait dans le pays (nous n’étions pas la Promotion Louis Pasteur* pour rien !). C’était notre première mission et celle-ci consistait à assister le centre antirabique de Pasteur à Lima, tant dans l’organisation pratique de la campagne au jour le jour, qu’à participer activement sur le terrain à la vaccination elle-même. L’essentiel du travail de vaccination se faisait dans les Pueblo jovenes ces espèces de gigantesques bidonvilles qui ceinturaient la capitale, Lima, et sa ville mitoyenne, Callao. Les journées étaient longues : debout dès le lever du jour, nous prenions vite un petit déjeuner avant de monter dans le vieux bus scolaire jaune qui nous avait été affrété, pour rejoindre le Centre. Parfois le bus tombait en panne et il nous fallait alors descendre et le pousser, d’autre fois, nous nous faisions arrêter sur le périphérique par la police et le chauffeur alors descendait et allait discrètement se cacher derrière le bus pour négocier le pot de vin avec le policier.

Une fois au centre antirabique nous passions une à deux heures chaque jour à confectionner les colliers bleus en plastique de toutes les tailles que nous passerons plus tard dans la journée au cou des chiens, chats et autres singes dès qu’ils seront vaccinés. Il s’agissait de ces rubans de plastique que l’on utilise habituellement pour cercler les grosses caisses de carton de livraison. Nous en coupions alors des segments de tailles plus ou moins grandes, y ajoutions une sorte de grosse agrafe métallique et soudions les deux extrémités l’une à l’autre d’un coup de pince (bonjour les cloques après quelques semaines de cette gestuelle!).
Quelques fois des gens arrivaient au centre avec des gros sacs de jute dans lequel on trouvait la tête tranchée d’un chien, voire d’un cheval ! Ils venaient à Pasteur faire diagnostiquer par immunofluorescence les cellules nerveuses du cerveau de l’animal pour déterminer si la cause de sa mort était la rage ou non. La plupart du temps, le résultat était positif ; l’animal était bel et bien enragé, et il fallait alors vite prendre les mesures de protection appropriées sur le lieu d’origine de l’animal infecté.
Puis, la journée commençait vraiment. Chacun prenait alors en bandoulière un sac rempli de colliers en plastiques, ainsi qu’une boite isotherme en polystyrène blanc, dans laquelle se trouvaient toutes les doses de vaccins pour la journée, conservés par deux blocs de ice pack, et plusieurs jeux de seringues et aiguilles**. Nous montions alors dans le bus, qui nous acheminait vers notre lieu de vaccination du jour, où nous retrouvions notre "binôme" péruvien.  Nous étions en effet répartis en petites équipes mixtes de deux vaccinateurs : un stagiaire Bioforce + un employé péruvien du ministère de la santé. Mon "binôme" péruvien s’appelait Jésus ; la quarantaine, il était sympa, mais n’appréciait pas du tout que je déclinais l’argent que les gens nous proposaient souvent après la vaccination de leurs animaux. Il me mitraillait du regard chaque fois que je m’entêtais à répéter à la population que la vaccination était gratuite. On nous avait bien expliqué en effet que cette gratuité était une des conditions sine qua non du succès de la campagne***. Du coup, Jésus pouvait parfois passer des heures à mes côtés sans dire un mot, à bouder. Il faut dire que sur la centaine de binômes mobilisés pour l’exercice, seule une petite quinzaine était constitués d’un péruvien avec un "étranger empêcheur de tourner en rond" (les Bioforce que nous étions), et que Jésus se disait qu’il n’avait vraiment pas de bol de se retrouver avec moi, alors que beaucoup de ses camarades du ministère arrondissaient bien leur fin de mois en acceptant les "cadeaux" des maîtres.
Photo retrouvée récemment par mon ami
Frédéric Banda lors d'un passage à Bioforce.
En attendant, c’était ma première mission humanitaire et je découvrais un nouveau monde, un nouveau pays, une nouvelle culture, et surtout le contexte très particulier des bidonvilles péruviens : le paysage avait quelque chose de surréel. Ces baraques de bois, de briques, de ciment, aux toits en tôle ondulée, s’accrochaient aux collines et s’étendaient à perte de vue. La poussière jaunâtre qui s’élevait au passage de chaque véhicule et planait toujours un peu au-dessus de cette ville de misère, donnait le soir au coucher du soleil, des allures féeriques au tableau. Dans la journée, malgré le soleil implacable, on y sentait une vie grouillante : des enfants qui couraient, jouaient  et riaient, des radios qui diffusaient en boucle le dernier hit américain (notamment le careless whispers de George Michael), des gens qui allaient et venaient, tranquilles, vaquant à leurs occupations. Paradoxalement, il régnait dans ces lieux de misère matérielle une certaine joie de vivre… et une certaine "résilience" comme on dirait aujourd’hui. Lorsque les enfants nous voyaient arriver avec tout notre barda de vaccination, ils couraient attraper tous les chiens du quartier avec une joie non dissimulée ; c’était là un nouveau jeu bien amusant. Les chiens ne comprenant pas pourquoi ils faisaient soudain l’objet de tant d’attention, détalaient à toute vitesse. Commençait alors une course poursuite entre enfants hilares et chiens apeurés. Des chiens, qui je me souviens, portaient des noms de célébrités du show business comme Michael Jackson ou Sue Helen .

Lorsque le chien était enfin attrapé et amené à nous, je préparais alors ma dose de vaccin dans la seringue, vérifiais bien qu’aucune bulle ne flottât à la surface du liquide, et instruisais les enfants :
« - ¡Agárrelo, agárrelo duro! » [tenez le, tenez le bien fort]
Ce à quoi ils me répondaient presque invariablement : 
« -no muerde.. » [il ne mord pas…]
…et auquel je rétorquais toujours
«- si, no muerde …hasta hoy dia... » [oui, il ne mord pas …jusqu’à aujourd’hui]
Je piquais alors l’animal dans un pli de la nuque. Certains chiens étaient tellement parasités, qu'il fallait d'abord que l'aiguille traversât une couche grouillante de tiques avant d'atteindre la peau du chien. L'injection faite, Jésus donnait au maître le collier bleu de la taille appropriée; le maître l’enfilai au cou du chien, puis libérait ce dernier. Le chien s’ébrouait alors quelques secondes, secouait la tête dans tous les sens encore surpris de ce nouvel ornement, puis s’éloignait, rassuré, sous les rires des enfants.
L’affaire était un peu différente avec les chats ; ces derniers ont une peau beaucoup plus résistante que les chiens, et il nous fallait alors prendre une aiguille beaucoup plus fine, au risque sinon de la tordre ou la casser pendant l'injection. Et puis contenir un chat apeuré n’est pas une mince affaire ! Surtout quand le lieu est envahi de chiens ! La vaccination faite, le chat filait en général à toute allure dans les rangés du quartier, ou au contraire se lovait dans les bras de son maitre et ne bougeait plus. Avec les singes, on avait l’impression de vacciner des enfants ; ils regardaient curieux la seringue s’approcher et cherchaient alors à l’attraper.  Il fallait que le maître retienne les mains de l’animal pour pouvoir procéder.

Comme la journée se passait toujours sous un soleil de plomb dans cet environnement sec et poussiéreux des pueblo jovenes, la fatigue se faisait vite sentir. Nous faisions alors une petite pause au cours de laquelle je tirais mon harmonica de ma poche et faisais hurler de rire les gamins quand j’imitais le joueur d’orgue de barbarie, en feignant de tourner une manivelle. Mais le clou du spectacle, c’était sans conteste quand je sortais ma petite guimbarde. Les enfants regardaient alors l’objet avec grande curiosité, ne comprenant pas du tout de quoi il s’agissait. Je mettais  l’instrument à mes lèvres et me lançais dans une interprétation pour guimbarde très personnalisée de « O Suzanna », qui ne manquait jamais de provoquer de nouveaux éclats de rire retentissants. Je laissais alors les plus débrouillards s’essayer et si l’un d’entre eux parvenait enfin à faire sortir quelques sons de l’instrument, je lui en faisais don. Il me regardait alors avec de grands yeux ronds et me faisait un «- muchas gracias, senior ! » avec un sourire jusqu’aux oreilles. Et ma journée était gagnée.    
Les habitants, pourtant si pauvres, nous voyant fatigués et écrasés de chaleur, ne manquaient jamais de venir nous offrir Pepsi, Coca et autre Inca Cola local! Quelle générosité on trouvait chez ces gens pauvres !   Il n’en était pas de même dans les quartiers riches. Je me souviens d’une journée de vaccination passée dans le quartier riche de Miraflorès, à Lima, où les habitants vivent cloîtrés dans d’énormes maisons entourées de hauts murs ornés de tessons de bouteilles et autres fils barbelés. Là, point d’enfants rieurs accourant à nous, mais des rues vides et tristes. Il nous fallait alors sonner aux portes pour proposer nos services, et nous nous faisions la plupart du temps rabrouer sèchement, si on ne nous claquait pas tout bonnement la porte au nez.

Les journées s'enchaînèrent ainsi peu à peu, glissant vers la routine., vaccinant des centaines, puis des milliers d'animaux. Passé l’enthousiasme des premiers jours et des premières semaines, la fatigue commençait à se faire bien sentir, mais nous n’avions pas de jours de congé, mis à part le dimanche. Pas le temps donc d’aller visiter la fameuse cité du Machu Picchu à Cuzco, dans le sud du pays! Quelle déception. Nous décidâmes néanmoins un dimanche, trois camarades Bioforce et moi, de louer un petit 4x4 Susuki pour sortir de Lima et nous aventurer un peu dans les Andes. Après tout, nous n’avions vu jusque là que la costa du Pérou et non point encore la fameuse sierra. Nous partîmes donc ce dimanche matin et nous nous lançâmes sur les petites routes de montagne. Une montagne particulièrement luxuriante et magnifique. Je me souviens être passé sous un petit pont métallique de la voie ferré accroché on ne sait comment à la paroi de la montagne, et que le groupe terroriste maoïste Sendero Luminoso [Sentier lumineux] avait fait sauter quelques jours auparavant. Ce même Sentier Lumineux qui quelques mois plus tard, kidnappera notre camarade Corinne – avec qui j’avais fait mes cours de mécanique à Bioforce – et après un simulacre de "tribunal populaire" la torturera et l’exécutera. Elle, et le jeune ingénieur agronome français qui œuvrait avec elle dans cette petite communauté paysanne des Andes. Corinne fut tristement la première Bioforce à être tuée en mission. La première, mais malheureusement pas la dernière…
Alors que nous abordions les Andes et commencions à grimper, nous remarquâmes que beaucoup de poids lourds étaient garés sur le bas côté, voire sur la chaussée. Quelques uns d’abord, puis beaucoup, puis une file interminable, longue de plusieurs kilomètres de camions stoppés là, les uns derrière les autres, tout le long de cette route de montagne. Ne comprenant pas trop pourquoi, nous les dépassâmes tous, assez rapidement, jusqu’à ce que notre voiture dérapa dans un virage …et que nous comprimes enfin: la route mouillée était une véritable patinoire! Voila pourquoi ces camionneurs, prudents, attendaient les rayons du soleil et ne se risquaient pas à rouler ; la route n’était en effet pas protégée de quelque manière que ce soit, nul parapet pour nous séparer du vide. Nous décidâmes néanmoins de poursuivre notre route, mais cette fois à vitesse très réduite. Lacet après lacet, palpitation après palpitation, les hauteurs devenaient de plus en plus vertigineuses, et le spectacle d’autant plus magnifique. Et puis, la voiture se mit à tousser, puis caler. Nous avions pourtant bien fait le plein d’essence avant de partir, la voiture était quasi neuve ; que se passait-il alors ? Mystère. Je profitai de la panne pour descendre de la voiture et prendre quelques photos. Mais à peine avais-je fait quelques pas que je fus pris de vertiges, avec un sentiment d’oppression dans la poitrine… un manque d’air terrible! L’altitude… le manque d’oxygène ! Il nous fallait maintenant faire des gestes très lents pour ne pas perdre notre souffle.

Nous ouvrîmes le capot de la voiture et  commençâmes à ausculter le moteur : tout était en ordre ; le mystère demeurait. C’est alors que j’eus cette idée un peu saugrenue qui me passa par la tête : « - et si la voiture souffrait, elle aussi, d’un manque d’oxygène ?  Peut-être le carburateur n’en a pas assez pour faire le mélange ?  Il faudrait permettre une plus grande entrée d’air, et donc d’oxygène ». Mes camarades étaient quelque peu dubitatifs, mais en l’absence d’autres explications, pourquoi ne pas essayer ? Nous ôtâmes le filtre à air pour laisser plus librement le flot d’air pénétrer le carburateur. Était-ce la vraie cause de la panne ? Je l’ignore encore, mais quoi qu’il en soit, la voiture redémarra. Nous reprîmes aussitôt  la route et parvînmes bientôt au col qui - je crois vaguement me rappeler - était à plus de 3400 mètres. Il y faisait un froid de canard et une brume épaisse cachait les rayons du soleil. Nous qui arrivions droit de Lima, à la chaleur accablante, nous n’avions pas vraiment prévu le coup, et étions frigorifiés dans nos T-shirt à manches courtes. Nous appréciâmes alors d’autant plus les patates douces, bien chaudes, que nous vendirent ces petites dames en costumes traditionnels qui attendent les automobilistes sur le bord de la route. Ce fut aussi la meilleure occasion qui fût d’acheter ces magnifiques et très colorés bonnets cache oreilles des Andes en laine de lamas, si populaires aujourd’hui dans le monde.

Nous reprîmes la route du retour, non bien sûr sans nous arrêter de temps en temps pour descendre saluer et caresser quelques lamas et alpacas du coin, ruminant ça et là sur le bord de la route. Naturellement, nous fîmes aussi une belle récolte de photos du spectacle grandiose qu’offrent les Andes.

Nous ne pûmes malheureusement pas renouveler cette expérience, par manque de temps. En revanche nous profitâmes par la suite de nos dimanches pour mieux découvrir Lima et sa vie trépidante: les voitures dont les conducteurs frappent tout en roulant le flanc de leur portière pour se signaler. Ou encore les taxis, dont les chauffeurs conduisent toujours une main brandie à l’extérieur, les doigts indiquant le nombre de places encore disponibles. Je me souviens d’une course à Lima, où tout d’un coup le chauffeur de taxi, tout en conduisant, se mit fiévreusement à chercher quelque chose sur le plancher et sous les sièges. Nous le regardions perplexes, quand finalement il retrouva le levier de vitesse, le remit à sa place, changea sa vitesse, puis reprit sa conduite, serein.
Nous allâmes aussi visiter les fameuses peñas ; ces cafés ou se retrouvent les péruviens de la sierra pour danser au son des musiques traditionnelles des Andes. Ces musiques que j’ai tellement aimées que je me mis plus tard à jouer de la quena et de la zampoña (la flûte de pan andine).

Bien que je sois resté au Pérou plus longtemps que bien des touristes, je connais ce pays bien moins qu’eux. Ce que je connais du Pérou, ce sont uniquement les bidonvilles de sa capitale, et surtout les habitants de ces bidonvilles. Mais quels souvenirs ! D’ailleurs, quel souvenir ai-je gardé le plus chèrement de cette mission?
Celui-ci :
Un jour, après une journée particulièrement chaude et harassante, alors que Jésus et moi étions à la lisère du bidonville à attendre le bus qui nous ramènerait au centre, j’entendis au loin un enfant qui appelait. Je me retournai et vit ce gamin qui s’adressait manifestement à moi, brandissant quelque chose au bout du bras. Je tendis l’oreille et l’entendit me crier:
« - Señor, Señor, ha olvidado su máquina de fotos !!! » [« -Monsieur, monsieur, vous avez oublié votre appareil photo ! »]
Je n’arrivais pas à y croire ; j’avais oublié mon très précieux - et très coûteux ! - Olympus OM10 dans le bidonville, chez une population parmi les plus pauvres de la planète, et voila que ces gens – par ce gamin -- m’avaient cherché partout pour me le restituer ! Quelle honnêteté ! Quel exemple ! Quelle leçon!


Période : Pérou, 1984, vaccinateur  [photos à retrouver]

[*l’inventeur du vaccin contre la rage, et du vaccin tout simplement]
[** Nous préparions, à tour de rôle, ces boites isothermes et leur contenu, plus tôt dans la nuit]
[*** et en effet, la corruption fut telle, que la campagne échoua. Les binômes péruviens demandaient tellement d’argent aux maitres que cela en dissuadaient beaucoup, et les chiffres ne furent jamais atteints. Je crois me souvenir qu’il nous fallait vacciner 500 000 animaux en un mois pour que la campagne fût réussie. Mais nous n’en avons vacciné que quelques 350 000. Ce fut donc aussi mon premier contact avec la corruption et ses effets dévastateurs]

5 commentaires:

  1. Bonjour Stéphane !
    C'est toujours un plaisir de lire vos "aventures" ;-); beaucoup d'émotions mélangées... Merci de nous les faire partager ! j'espère que vous avancez dans vos projets ! Gaëlle

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  2. Merci Stephane de me rappeller de si bons souvenirs, professionnellement un peu frustrants mais personnellement si enrichissants ... comme beaucoup d'expériences humanitaires, no te parece ?? En plus ta mémoire est prodigieuse ....
    Abrazos - Pauline Décamps

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  3. Ma chère Pauline,
    je suis super content de ton message! D'abord de te retrouver, mais aussi voila tellement longtemps que j'espère que mes "vieux camarades" puissent enfin me lire et me corriger si besoin, ou attester de la véracité des récits. Tu faisais bel et bien partie de cette équipe de vaccinateurs et je suis vraiment ravi que tu trouves le texte fidèle à la réalité. Surtout n'hésite pas à revenir. Tu seras toujours la bienvenue!
    J'espère toujours passer te voir un jour au Guatemala et faire cette virée à cheval tant rêvée! Pour te remercier, je mets ci-dessous l'URL de ton site et invite nos lecteurs à le visiter: http://www.unicornioazul.com
    Un abrazo fuerte
    Stéphane

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  4. Je me rappelle bien de ton retour du Pérou et le bonnet de laine que je n´ai jamais pu porter (cette laine pique trop!). Tu étais crevé et à ta visite à la chambre de bonne rue du Sentier où nous logions Joël et moi, tu restat endormi sur le matelas à même le sol.
    Merci pour tes récits qui me ramène à l´époque de la Fac quand je t´admirais pour avoir eu le courage de te présenter à Bioforce et de poursuivre tes idéaux.
    Hasta siempre amigo. Francisca

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  5. Querida Francisca,
    Estoy tan feliz de que la lectura! Muchas gracias por tu comentario. Sigo tan maravillosos recuerdos de su apartamento en la calle Sentier!
    Te echo de menos mi novia querida!
    Reviens dans ce blog Quand tu veux!
    Un abrazo Fuerte
    Stéphane

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