14 sept. 2013

Trevor, mon frère.

Après un baccalauréat passé de justesse, je rêvais déjà de parcourir le monde, et je m'étais inscrit - un peu trop précipitamment sans doute - dans une école privée qui préparait à un BTS de tourisme. Hélas, je me rendis vite compte que cet établissement n'était qu'une "boite-à-fric", pas sérieuse et franchement malhonnête. Échaudé par l'expérience, et ne voulant plus voir mes parents dépenser quoi que ce soit pour moi, après le gâchis de ce premier trimestre, je décidai de quitter ces études et de partir illico travailler en Angleterre. Ainsi, mon année n'aurait pas été perdue complètement puisque j’allai au moins pouvoir améliorer mon anglais, condition sine qua non pour voyager dans le monde. 
 
Me voici donc un beau matin, à 18 ans, traversant la Manche sans savoir encore où je coucherai le soir. J'avais bien fait quelques recherches (difficile, pas d'Internet à l'époque!) et trouvé quelques possibles petits boulots, dans des hôtels de Londres notamment; voire de bénévole dans des centres pour personnes handicapées, mais rien de précis ni de décidé. J'arrivai donc à la gare Victoria en début d'après-midi sans trop savoir où aller ensuite. Je ne me souviens plus du tout de ce qui a présidé à mon choix, mais je me rappelle seulement à la gare routière être monté dans le bus pour Nottingham, ville où j'avais quelques chances d'être accepté comme volontaire-bénévole dans un centre pour handicapés. J'arrivai à la nuit tombée, et parcourus à pieds les rues de la ville, ma valise à la main,  cherchant le centre Skylark du Winged Followship Trust (WFT). 

8 sept. 2013

Partir… parce qu'il le faut.

De retour d'une consultance aux Philippines, j'étais dans l'avion assis aux côtés de deux petites musulmanes, adorables, un peu timides, vêtues de superbes costumes traditionnels et bien sûr coiffées l'une et l'autre de leurs voiles. Bien qu'elles semblaient d'origine très modeste, elles s'étaient visiblement habillées de leurs plus beaux effets, et ces derniers étaient tout neufs. Alors qu'elles remplissaient leurs formulaires d'immigration, j’eus quelques secondes sous les yeux leurs papiers, et je compris tout de suite: comme des dizaines de milliers de jeunes filipinas de leur âge, ces deux petites musulmanes fuyaient la misère des Philippines et partaient vendre leurs bras comme femmes de ménages ("household services") à l'étranger; en l'occurrence pour elles deux, dans les pays du Golfe. Elles travailleront alors dur, très dur, et vivront de la manière la plus chiche possible pour pouvoir envoyer l'essentiel de leur petit salaire à leurs familles, là-bas, à la maison, aux Philippines. C'est là le lot de millions de Philippines et Philippins dans le monde (femmes de ménage, ouvriers, marins, aides-soignantes, etc.)… 

Lorsque l'avion commença doucement à s'ébranler, annonçant l'imminence du décollage, je vis les deux petites se frotter les yeux discrètement, puis se tourner vers la fenêtre pour cacher leurs larmes. Je sais les Philippins attachés viscéralement à leurs familles, et je sais l'avenir difficile qui attendait ces deux petites; je me doutais alors de la douleur qui déchirait ces deux petits cœurs à côté de moi. Mais c'est lorsque je vis de dos leurs petits corps secoués de sanglots silencieux, que j'eus le plus de mal à retenir les miens. 
Ces mots du père Joseph Wresinski* me revinrent alors en force: "C'est ça la misère; ne jamais pouvoir être sûr de garder près de soi ceux qu’on aime."


* fondateur d'Aide à Toutes Détresses Quart Monde (ATD)

Période: Consultant.