De retour d'une
consultance aux Philippines, j'étais dans l'avion assis aux côtés de deux petites musulmanes, adorables, un peu timides, vêtues
de superbes costumes traditionnels et bien sûr coiffées l'une et l'autre de
leurs voiles. Bien qu'elles semblaient d'origine très modeste, elles s'étaient
visiblement habillées de leurs plus beaux effets, et ces derniers étaient tout neufs. Alors qu'elles remplissaient leurs formulaires d'immigration, j’eus quelques secondes sous les yeux leurs papiers, et je compris tout de suite: comme
des dizaines de milliers de jeunes filipinas de leur âge, ces deux petites musulmanes fuyaient la misère des Philippines et
partaient vendre leurs bras comme femmes de ménages ("household services")
à l'étranger; en l'occurrence pour elles deux, dans les pays du Golfe. Elles
travailleront alors dur, très dur, et vivront de la manière la plus chiche possible
pour pouvoir envoyer l'essentiel de leur petit salaire à leurs familles, là-bas,
à la maison, aux Philippines. C'est là le
lot de millions de Philippines et Philippins dans le monde (femmes de ménage,
ouvriers, marins, aides-soignantes, etc.)…
Lorsque l'avion commença
doucement à s'ébranler, annonçant l'imminence du décollage, je vis les deux
petites se frotter les yeux discrètement, puis se tourner vers la fenêtre pour
cacher leurs larmes. Je sais les Philippins attachés viscéralement à
leurs familles, et je sais l'avenir difficile qui attendait ces deux petites; je
me doutais alors de la douleur qui déchirait ces deux petits cœurs à côté de moi. Mais c'est
lorsque je vis de dos leurs petits corps secoués de sanglots silencieux, que j'eus
le plus de mal à retenir les miens.
Ces mots du père
Joseph Wresinski* me revinrent alors en force: "C'est ça la misère; ne
jamais pouvoir être sûr de garder près de soi ceux qu’on aime."
* fondateur d'Aide à Toutes Détresses Quart
Monde (ATD)
Période: Consultant.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire