21 sept. 2014

Vivre sous les tropiques: "les petites bestioles" (suite).

L’animal le plus dangereux au monde, celui qui tue le plus, comme chacun sait (ou devrait savoir) est… le moustique! Vecteur du paludisme, de la dengue, du chikungunya et bien d’autres maladies plus létales ou incapacitantes les unes que les autres, il sévit partout sous les tropiques. Lorsqu’on vit au fin fond de la campagne en Asie du Sud-Est, on se garde bien alors d’ôter les toiles d’araignées qui pendent à tous les coins de la maison, et on regarde avec bienveillance les charmants margouillats, ces petits lézards jaunes qui circulent librement sur tous les murs de la maison, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur (voir ici une publicité thaïlandaise amusante avec ces petits reptiles).  Araignées, margouillats, voire geckos, sont autant de prédateurs des moustiques qui réduisent chez l’homme le risque de piqûre potentiellement létale.
 
Lors d’une veillée sur l’ile de Koh Chang, dans un monastère perdu au milieu de nulle part, je conversais alors avec un jeune moine lorsque celui-ci me tendit soudain son avant-bras dénudé sur lequel un moustique s’était posé et commençait à festoyer ; il s’écria «Vite, tue-le ! Moi, je ne peux pas, je suis bonze !... »
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[contexte: petite maison traditionnelle thaïlandaise, en bois]
Un matin, alors que je venais d’introduire deux tartines dans le grille-pain, et que les résistances commençaient à rougir, je vis soudain l’appareil vibrer dans tous les sens avec un bruit terrible. Je compris vite ce qu’il se passait… J’éjectai immédiatement les tartines et retournai le grille-pain tout en le secouant. Trop tard : les deux margouillats qui en tombèrent… étaient déjà morts, grillés. 
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Autre matin, même lieu, même grille-pain ; mais cette fois, avec happy end. Alors que j’allais introduire mes tartines, je vis soudain surgir du grille-pain une charmante …petite grenouille ! Aussi surprise que moi, elle resta là un instant, immobile, observant la pièce de ses grands yeux globuleux, puis d’un bond gigantesque se retrouva à l’autre bout de la cuisine et sortit…
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Même lieu, autre matin: encore un peu groggy après une nuit chaude et humide, je me dirigeais vers la salle bain. Dans ces maisons de bois traditionnelles, on passe d’un plancher à un autre, entre le lieu de vie, la cuisine ou la salle d’eau. C’est en passant la marche du plancher supérieur au plancher inférieur que je sentis que mon talon écrasait quelque chose de mou et volumineux… Je fis un bond de côté, cherchant du regard ce sur quoi j'avais marché:
Quelque peu sonné par cette charge soudaine de 68 kilos sur le dos, le crapaud prit un instant de réflexion …puis,
clopin clopant, poursuivit son chemin vers la sortie.
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Autre maison de bois au milieu de nulle part (à Tapraya, enThailande, 1988). Un matin, alors que je me réveillais doucement et ouvrais un premier œil, quelle ne fut pas ma surprise de me trouver nez à nez avec… un scorpion ! Petit scorpion jaune, immobile, accroché à la paroi de bois, à quelque 25 cm de mes yeux. Je me dégageai très doucement, courus à la cuisine chercher un verre et une feuille de papier, que je pliai en quatre, puis retournai dans ma chambre. Là, j’enfermai tout de suite le scorpion sous le verre, glissai la feuille de papier sur l’orifice et renversai le tout pour garder la bestiole au fond du verre. Je pouvais maintenant ouvrir la fenêtre et jeter le scorpion dehors. Après tout, il ne m’avait pas fait de mal  et on est en pays bouddhique quand même! 
NB. Avant de cueillir le scorpion, j’avais eu la présence d’esprit d’aller chercher mon appareil photo pour prendre un cliché de la scène. La photo est certes floue, mais elle reste un souvenir, et une preuve ! (à retrouver)  
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Autre maison, autre lieu (Trad, Thaïlande). En Asie du Sud-est, on se déchausse toujours avant d’entrer dans une maison, et on laisse alors ses chaussures dehors. Le problème, quand on vit à la campagne, est que les chiens errants viennent parfois mâchouiller les chaussures ou les emportent pour jouer.
Un soir, je constatai qu’une de mes chaussures avait encore disparu. Je pris donc une lampe de poche et fis le tour de la maison, scannant l’obscurité des environs. Je retrouvai enfin ma chaussure. Alors que je me baissais pour la saisir, mon regard fut attiré par un petit reflet brillant à l’intérieur... Je dus alors prendre un bâton pour chasser le petit serpent qui avait déjà élu domicile dans mon soulier.
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Jon Carver, notre chef de la logistique, était de passage au camp d’O’trao. Je l’avais invité à faire un tour du site dans mon 4x4. En fin de visite, et alors que nous étions à la lisière du camp, seuls et en pleine nature, nous descendîmes l’un et l’autre satisfaire quelques besoins biologiques urgents. Pour plaisanter et avertir mon invité des risques du coin, je me souviens avoir crié en pénétrant dans les broussailles: «Allez-vous-en, vermines, cobras et autres vilaines bestioles!» Nous remontâmes ensuite dans la voiture. Mais alors que je redémarrais, je sentis que quelque chose bougeait au bas de ma jambe droite ; y jetant furtivement un coup d’œil, je vis là, bien tranquille, un scorpion jaune accroché à mon pantalon. Avec beaucoup de précaution, je levai le pied de l’accélérateur et le passai très lentement sur la pédale du frein. La bestiole commençait à se déplacer et n’était plus qu’à 5 centimètres de la frange du pantalon; si elle descendait encore un peu et se glissait sous le tissu, ce serait beaucoup plus difficile de l’en sortir sans risque. Doucement, j’immobilisai le véhicule, ouvris la portière, et lentement, très lentement, descendis de la voiture.  Je ramassai alors un petit bout de bois sur la piste et d’un coup sec (je n’ose dire « dard-dard ») me débarrassai de mon passager clandestin. Celui-ci prit vite la fuite et disparut dans les herbes. Je sais, on pourrait dire que l’histoire manque de piquant, mais j’aime autant.
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Un jour j’eus la bonne idée de louer une chambre, dans une autre maison de bois, au-dessus d’une petite épicerie! Pratique, me disais-je, j’aurai tout à portée de main... Grave erreur. Toute la nuit, le va-et-vient des rats qui s’ébattaient et couinaient autour de mon lit m’empêchait de dormir. Après quelques jours, je décidai d’employer les grands moyens, un peu cruels je l’admets, mais qui me semblaient pouvoir résoudre le problème: j’achetai les feuilles collantes, ces pièges dans lesquels les rats viennent se perdre. Mais au matin, la vue de ces petites bêtes complètement engluées, tentant désespérément de se dégager, et finissant par mourir d’épuisement, me brisa le cœur. Je jetai les feuilles collantes, et optai cette fois pour la cage. C’est beaucoup moins cruel : les rats pénètrent dans le piège, et la trappe se referme. Très bien, mais que faire au matin de ces rats dans la cage? Les noyer? Il parait que c’est moins douloureux...
Finalement, j’optai pour une solution plus radicale encore : les fameuses tapettes au ressort puissant, qui tuent les rongeurs en un éclair. Compte tenu du grand nombre de ces petites bêtes que j’avais dans ma chambre, j’achetai dix pièges d’un coup.
La nuit qui suivit fut un enfer : je fus réveillé, en sursaut, par le claquement sec – et dix fois répété! - des tapettes écrasant les pauvres bêtes sous leurs mâchoires…
Le lendemain, je déménageai.
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Enfin, pour finir cette petite série, une anecdote avec d’autres bestioles, un peu plus grosses.
J’étais en train de travailler dans la maison quand j’entendis un «-Oh!» depuis la rue. Je dressai l’oreille ; sans doute un des ces vendeurs ambulants qui passent sans cesse. Je repris mon travail. Quelques minutes plus tard, un autre appel. Je ne réagis pas plus. Lorsque soudain j’entendis des bruits bizarres dans le jardin. Je me levai illico et sortis voir ce qu’il se passait: quelle ne fut pas ma surprise de trouver alors dans notre jardin …huit éléphants! Il y avait là au moins deux familles : les papas éléphants, les mamans éléphantes et les éléphanteaux. Ils étaient simplement en train de tout arracher dans le jardin, les branches, les arbustes, les herbes hautes…
Heureusement, les pachydermes étaient accompagnés de leur cornac.
Je compris alors: le cornac, voyant l’état d’abandon de notre jardin – ben oui, je ne m’en occupais pas et alors ?!! – a pensé que ce serait un bon coin pour nourrir ses bêtes. Il avait bien tenté d’appeler les habitants de la maison, mais comme je n’avais pas répondu, il s’était autorisé à entrer.
Comme il se doit dans ces situations pas-trop-ordinaires, je courus chercher …mon appareil photo! (cliché à retrouver)
Naturellement, quand je raconte cette histoire en Europe, en oubliant de préciser que nous vivions alors à Surin – la ville des éléphants! – les gens me regardent de travers et se demandent si je fumais alors quelque herbe locale…
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